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Dans notre série d’articles « On manque d’emplois mais on ne manque pas de travail », nous avons pu constater, presque comme une fatalité, que nous avons de plus en plus de travail non rémunéré et parallèlement de moins en moins d’emplois proposés sur le marché du travail.
Est-ce vraiment inéluctable ? Quelles sont les perspectives dans un contexte futur d’effondrement ?
Dans cet article nous allons poser notre focus sur la résilience au niveau d’une société et comment elle peut être une partie de la solution.

Tout d’abord posons le contexte d’aujourd’hui. Nous avons un néo-libéralisme à l’agonie qui fait preuve d’une extrême créativité pour retarder la survenue de son effondrement (un système a croissance exponentielle ne peut subsister dans un monde physique limité, c’est une loi de la physique).
Plus l’échéance est retardée et plus les six stades décrits par Dimitry Orlov vont impacter en profondeur les différentes strates de la société. Cela se traduira par un crash financier (distributeurs de billets vraisemblablement vides) mais également une rupture dans les chaines de production et de distribution des biens et services (magasins partiellement vides), des régimes politiques affaiblis ou renversés, une dislocation forte de la société et de la culture des nations.
Cet effondrement pour certaines régions du monde a déjà commencé il y a plusieurs décennies, pour les autres pays l’impact dépendra grandement du niveau de résilience de ces nations. Par exemple des pays comme Cuba ou le Portugal seront moins impactés qu’un pays comme la Suisse.

La résilience de chaque pays va dépendre de multiples facteurs dont :

– Endettement du pays, des habitants, des entreprises,
– Degré d’ouverture des économies nationales,
– Degré de corruption au néo-libéralisme des politiciens,
– Agriculture permettant de couvrir les besoins en alimentation de la population,
– Terres arables à disposition,
– Accès à l’eau,
– Ressources énergétiques propres,
– Cohésion sociale de la population (niveau d’entraide, de solidarité),
– Degré de débrouillardise de la population,
-Proportion de personnes aptes à avoir un travail manuel…

Créer une société résiliente est une bonne nouvelle car cela va permettre d’avoir une augmentation massive des emplois ! La productivité par personne sera moindre mais la très grande majorité de la population pourra travailler et percevoir une forme de rémunération.
Le problème du néo-libéralisme est qu’en mettant la barre très haut dans la productivité pour être compétitif contre les autres, le système tel une toupie éjecte les citoyens qui ne sont plus assez rentables.
Le futur s’apparentera plus à des zones géographiques à taille humaine quasi autonomes sur le plan économique, financier où tout le monde pourra travailler selon ses dons et talents.
Un vrai plein emploi, pas comme aujourd’hui où malgré un taux de chômage à 2.1% de la population (en Suisse), nous avons 800 000 personnes précaires et presque deux millions supplémentaires qui sont au bord du gouffre sur une population de 8.6 millions !
Il est à noter que le fait d’être quasi autonome sur l’essentiel semble néanmoins impensable aujourd’hui. C’est vrai…et pourtant !
L’effondrement redistribuera rapidement les cartes sur le plan économique (acteurs locaux et moins les multinationales) et la règle du jeu changera automatiquement (passage d’une économie ultra mondialisée à une économie plus locale).
Cette autonomie devra aussi être gagnée sur le plan monétaire avec par exemple la mise en place d’un système monétaire équilibré local qui redonne la pleine souveraineté des finances.

Nous allons maintenant observer quatre secteurs et voir concrètement les potentialités :

 

Agriculture

Les effets combinés de la pollution des sols et de l’air, de la raréfaction de l’eau à cause du réchauffement climatique, des catastrophes naturelles et une disponibilité de pétrole qui va continuer de diminuer vont drastiquement diminuer les rendements agricoles et par là même transformer la façon d’envisager l’agriculture. Les jardins d’ornement des maisons seront remplacés par des potagers, des micro-fermes vont se multiplier partout où c’est possible, les toits des immeubles seront utilisés pour faire pousser de la nourriture. La permaculture sera de plus en plus utilisée comme technique agricole car en reproduisant des mini-écosystèmes, elle réduit drastiquement l’utilisation de l’eau, elle s’affranchit du pétrole en n’utilisant plus d’engrais ni de pesticides chimiques, mais au contraire une abondante main d’oeuvre car le travail est très peu mécanisé. Les exemples autour de nous de micro-fermes montrent que le modèle économique est rentable, même pour une superficie d’un hectare, incroyable mais vrai !
L’emploi sera le grand vainqueur de ce secteur, nous n’aurons plus un agriculteur qui possède 100 hectares et un investissement colossal pour faire fonctionner son domaine, mais plutôt, un agriculteur avec 3 000m2 qui gagnera plus que le premier car il n’aura pas de traites de machines à rembourser et plus les mensualités de Monsanto pour ses graines stériles, fertilisants et pesticides hors de prix.

 

Artisanat/Habitat

La rupture des chaines d’approvisionnement entre les producteurs et les consommateurs va permettre de ré-orienter l’offre vers une production locale artisanale. La situation tragique et douloureuse de la Chine avec le « coronavirus » montre bien la faiblesse d’une économie globalisée, si un maillon de la complexe chaine fait défaut, en quelques semaines les consommateurs du monde entier peuvent être impactés.
Les biens produits vont subir une mutation, ils seront pour une large part bien moins complexes qu’aujourd’hui en terme de composants, de pays de provenance, de technologies.
Les produits high tech, maisons et voitures intelligentes seront réservés à une toute petite frange de la population car les prix seront inabordables. Le « low tech » deviendra la règle et recréera dans nos contrées les emplois partis ces dernières décennies entre autres en Asie.
L’habitat utilisera plus de produits d’origine locale et sera de plus en plus respectueux de l’environnement.

 

Occasion, recyclage et réparation des biens

Les brocantes, magasins de seconde main seront légions. Certains seront généralistes comme des supermarchés et d’autres spécialisés par thématique. Les sites internet proposant des petites annonces d’objets à vendre continueront d’avoir le vent en poupe. La gratuité dans les échanges est aussi en train de décoller car les citoyens veulent vivre plus dans la solidarité.

Les décharges seront vraiment choyées pour les trésors qu’elles représentent. Le recyclage des objets atteindra de nouvelles dimensions, il sera bien plus important qu’aujourd’hui où il se cantonne souvent à récupérer quelques matières premières et non les objets en tant que tel. ll sera possible de recycler les batteries de voitures, les piles que nous utilisons pour nos jouets ou appareils photos…. Les téléphones portables ne seront pas juste fondus comme aujourd’hui mais reconditionnés pour une seconde vie. J’aime bien prendre l’exemple du téléphone car j’ai eu une période où le téléphone représentait beaucoup pour moi, et petit à petit ma façon de l’utiliser à évolué vers une utilisation moindre et parallèlement il est devenu clair avec le temps que je n’achèterai plus de téléphone neuf, cela ne fait plus sens pour moi avec tous ceux d’occasion qui fonctionnent encore et qu’il est possible de se procurer.

Les ateliers de réparation, comme les « repairs cafés » seront dans toutes les villes avec des savoir-faire incroyables pour redonner une deuxième vie aux objets de notre quotidien.
La filière automobile est un excellent exemple où les progrès sont possibles. En effet systématiquement lorsque je vais chez le garagiste, il me dit que le prix de la pièce à remplacer coute plus cher que la valeur argus de mon véhicule, ensuite je lui demande de trouver une pièce d’occasion et finalement je peux conserver ma voiture et je ne paye qu’une petite facture.
Notre rapport aux objets va pouvoir reprendre une plus grande normalité et ne plus être des produits « Kleenex » que j’utilise un peu et que je jette car pour prendre une parabole la situation d’aujourd’hui est comme si j’achetais une paire de chaussettes et après les avoir utilisées une fois je les jette pour ne pas avoir à les laver. La situation est absurde et renforce mon statut d’esclavagiste, je me permets en effet de jeter les produits car ils sont vendus un prix dérisoire parce que j’ai pris à mon service une bande d’esclaves à l’étranger qui travaillent 80 heures par semaine pour deux dollars d’argent de poche par jour. L’obsolescence programmée perdra du terrain, une machine à laver fonctionnait en moyenne 10 ans en 2010, maintenant la moyenne est passée à 7 ans. Les produits électro-ménagers seront également construits avec la pensée de pouvoir être réparés, aujourd’hui c’est très rarement le cas.
Beaucoup d’emplois seront donc créés dans cette thématique où nous pourrons profiter des talents d’ingéniosité, de débrouillardise, de créativité, de faire des belles choses durables de personnes passionnées qui travailleront dans ma région.

 

Services à la personne

La solidarité reprendra le pas sur l’égoïsme dans les relations et se traduira pas des habitats intergénérationnels où nous sentirons cette responsabilité d’investir dans les nouvelles générations et de remercier les anciens en leur faisant une place de choix au sein du groupe.
Le vivre ensemble deviendra plus naturel et chacun selon ses dons pourra contribuer pour le bien commun.
Les services à la personne prendront plus de poids car nos valeurs seront naturellement portées vers eux.

Le bon sens reprendra ses droits, la sagesse chassera la folie. Nous ne devons pas avoir peur du futur mais essayer de le préparer dans la sérénité.
Le mot amour sera de moins en moins un tabou ou comme une douce utopie, il sera incarné par des actes courageux entre les citoyens et sera de plus en plus tangible et palpable.

 

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