Gouverner est une dimension importante voir essentielle dans le mode de fonctionnement de nos sociétés. Du fait de la complexification et de l’accélération de celles-ci les recettes du passé pour organiser une société ne sont plus forcément opérantes aujourd’hui !
Voici quelques étapes par lesquelles nous sommes passés :
Aujourd’hui la gouvernance partagée est une solution novatrice qui permet de tirer le meilleur des organisations et de sortir des hiérarchies pyramidales.
Qu’est-ce que la Gouvernance Partagée ?
Avant toute chose, évacuons l’éléphant qui trône au milieu du couloir : qu’est-ce que la gouvernance ? Je dirais que c’est le protocole qui cadre la prise de décision et la mise en action au sein d’une organisation. Plus simplement : la gouvernance est la formalisation du “faire ensemble”.
Regardons maintenant ce qui se passe si on y appose la notion de “partage” ? Attention, tentative de définition : La Gouvernance Partagée est un “faire ensemble” qui repose sur un principe simple mais radical : personne n’a de pouvoir sur personne. Que ce soit de manière explicite — définie par un organigramme — ou plus implicite — régie par des jeux d’influence et de manipulation.
En d’autres termes, utiliser ce protocole induit que tous les membres de l’organisation ont la même part de pouvoir et de responsabilité.
Ce qui nous amène d’emblée à démonter deux idées reçues :
“Gouvernance Partagée veut dire que tout le monde décide de tout”. En aucun cas. La co-responsabilité n’empêche pas que certaines décisions soient individuelles — relatives à l’étendue des rôles de chacun — et d’autres collectives — à la jonction entre plusieurs rôles.
“En Gouvernance Partagée, tout le monde fait ce qu’il veut”. Bien au contraire. Pour que chacun sache qui fait quoi et comment, on a besoin d’un cadre à la fois plus rigoureux et plus explicite que celui qu’on rencontre dans les systèmes classiques. Mais la vraie différence, c’est que ce cadre est construit ensemble, pour libérer et non pour contraindre.
Maintenant qu’on a parlé du “quoi”, on peut s’attacher à la seconde partie de l’équation : le “comment”. Comment construire [et maintenir] un système qui distribue de manière équivalente le pouvoir et la responsabilité ?
Le “faire ensemble” en Gouvernance Partagée
La Gouvernance Partagée repose sur un certain nombre d’éléments structurels et culturels parfaitement interdépendants. Si chacune de ces briques peut être utilisée de manière isolée, on se rendra vite compte qu‘elle a besoin des autres pour pouvoir exprimer son plein potentiel.
Les différentes briques de la Gouvernance Partagée
- Un “Nous” fort : Pas de Gouvernance Partagée sans un collectif soudé. Là où la plupart des équipes laissent des non-dits s’installer, des clans se former et des égos dominer, un “Nous” en co-responsabilité est en quête perpétuelle de lien. Notamment à travers l’apaisement systématique des conflits interpersonnels qui sont perçus non pas comme un danger, mais comme des opportunités de renforcer la confiance et la collaboration.
- Des individus souverains : De la même manière, il ne peut y avoir de “Nous” fort sans des “Je” convaincus de leur légitimité au pouvoir. Bien sûr, on ne parle pas ici de pouvoir “sur”, mais de pouvoir “avec”. Un pouvoir que chacun exerce en augmentant son niveau de conscience de sa réalité intérieure, pour mieux la dévoiler au reste [et au service] du groupe. En effet, comment se lancer dans la co-décision quand certains se censurent ou pire, n’ont pas conscience qu’ils se censurent ?
- Des rôles clairs et bien délimités : Mais comme évoqué plus haut, tout le monde ne décide pas de tout. Les tâches à accomplir et les décisions à prendre sont regroupées sous forme de rôles qui ont chacun un périmètre de responsabilités très clair et explicite. Ce périmètre est le cadre au sein duquel l’individu qui exerce [ou “énergise”] le rôle a pleine autorité. Ce n’est qu’à la jonction entre plusieurs rôles que la co-décision entre en jeu.
- Des process qui neutralisent les égos : Dans le cadre d’une co-décision — une élection par exemple — l’équivalence de pouvoir entre chaque membre est cruciale. Du tour de parole ouvert au principe de non-objection, en passant par la présence d’un facilitateur vigilant, la Gouvernance Partagée propose divers outils voués à libérer la parole, à neutraliser les jeux d’influence, et à protéger l’équipe de dangereux raccourcis. Certes, utiliser ces outils demande du temps, mais moins que l’apaisement à postériori des tensions générées par une décision mal prise.
- Un pilotage par tensions : Une tension est un frottement vécu par un membre dans l’exercice de son rôle, ou dans la rencontre entre plusieurs rôles. En bon système vivant, l’organisation en Gouvernance Partagée considère que les tensions sont un guide vers son état optimal. Au même titre que les conflits interpersonnels, leur dévoilement est donc perçu comme un cadeau par le collectif. Leur traitement permet un pilotage organique de l’opérationnel, de la stratégie et même de la gouvernance.
- Une structure en cercles articulés par des double liens : Ancrer ces cinq pratiques en petit groupe n’est pas simple. Mais à l’échelle de toute une entreprise, c’est carrément impossible sans la structure adéquate. Pour maintenir des Nous forts et des rôles clairs, l’organisation sera scindée en cercles — des petites équipes de 12 membres max — qui auront tous leur raison d’être et leur périmètre de responsabilités. Leur coordination, elle, repose sur deux représentants [ou “liens”] par cercle qui, présents et souverains aux réunions des cercles connexes, assureront la circulation ascendante, descendante et éventuellement horizontale du pouvoir.
Vous connaissez maintenant les principales briques qui constituent l’édifice de la Gouvernance Partagée. Mais on ne peut pas s’arrêter là. Pour que cet édifice tienne debout dans la durée, il a évidemment besoin de ciment. Un ciment spécial constitué de trois ingrédients secrets indispensables.
“ L’argent c’est comme l’oxygène. On en a besoin pour vivre mais le but de la vie n’est pas d’en avoir.” [Peter Drucker]
- Une Raison d’Être au service de la société : Pourquoi s’échiner à partager le pouvoir de manière équitable si au final, chacun se lève le matin pour avoir son augmentation ou devenir le boss de son boss ? La Gouvernance Partagée a besoin de gens profondément alignés avec leurs rôles et leurs collaborateurs. Cet alignement n’est possible que si tous sont motivés par la même recherche d’impact : une Raison d’Être qui émerge de la combinaison unique des individus qui composent l’organisation, et qui devient alors le but suprême. La lueur qui guide toutes les décisions.
- Des règles à la fois strictes et libérantes : J’en parlais plus haut, la Gouvernance Partagée n’a rien d’une anarchie. Au contraire, elle attache un intérêt tout particulier aux règles. En revanche, ces dernières diffèrent des règles traditionnelles à plusieurs titres. D’une part, elles sont co-écrites. D’autre part, elles sont très peu nombreuses. Elles couvrent le minimum vital pour permettre le faire ensemble tout en offrant une liberté maximale. Et enfin, elles sont rendues explicites, pour que chacun puisse rappeler — ou être rappelé — à l’ordre en cas de transgression.
- Une volonté profonde de redistribuer le pouvoir : A son niveau le plus fondamental, la Gouvernance Partagée implique une redistribution équitable du pouvoir. Ce qui soulève un point crucial. Seul[e] celui ou celle qui a le pouvoir peut choisir de le redistribuer. Cette personne doit être profondément prête, dans sa tête et dans son coeur, à abandonner tous les privilèges que son statut de chef lui réservait jusqu’alors. Profondément prête à faire confiance à la force du collectif plus qu’à son propre jugement. Sans ce lâcher-prise, la co-responsabilité restera une illusion.
La bonne nouvelle, et je finirai là-dessus, c’est que la Gouvernance Partagée est un chemin, pas un état. Elle se travaille, comme tout le reste.
Article tirée du site internet : https://medium.com/la-tete-ailleurs/une-définition-de-la-gouvernance-partagée-9713a5e63357