Temps de lecture : 8 minutes

N’y a t-il pas le danger que les mouvements non-violents basculent un jour dans la violence ?

Bien sûr ! Le danger est quotidien, il ne faut pas se voiler les yeux !

Heureusement, les mouvements non-violents ont deux gardes-fous qui peuvent vraiment les protéger contre tout basculement vers la violence !

Le premier garde-fou est collectif, il a en effet une dimension extérieure à la personne, puisqu’il est lié aux valeurs du mouvement, qui doit. afficher clairement le caractère non violent de ses actions dans ses valeurs.
Le mouvement doit bien sûr vivre ce qu’il a écrit dans le marbre, vivre ses valeurs dans la communication extérieure avec les médias, les actions proprement dites mais également ce qui se passe dans les réunions et rencontrent informelles en coulisse. L’ADN de non-violence doit se ressentir dans ses différentes dimensions.

Le deuxième garde-fou est individuel, il a une dimension intérieure.
Nous retrouvons deux pôles reliés entre eux, l’un est notre coeur, le second est notre cerveau.

Le cerveau
Il va recevoir des informations provenant du monde extérieur et va de façon plus ou moins consciente amener la volonté à faire ou ne pas faire des actions.

Le cadre étant posé, il y a une thématique que nous devons aborder maintenant pour mieux comprendre ce garde-fou intérieur ; c’est celle des valeurs.

Les valeurs sont des convictions fondamentales qui me permettent de prendre des décisions et ensuite d’agir.
Il est donc souhaitable de décider de façon consciente quelles sont les valeurs que j’estime prioritaires dans ma vie et faire une liste que je médite avec soin.
Ainsi, lorsqu’une situation soudaine survient, mon choix conscient de valeurs me donnera la bonne réponse à donner dans ce que je vis.
Si je n’ai pas fait ce travail préalable et si je laisse mon inconscient décider à ma place, je peux avoir des surprises !
Prenons un exemple fictif :
C’est 22h00, la sonnette à la porte sonne. J’ouvre, ma fille de 20 ans est là, paniquée. Elle me dit de la cacher et de ne rien dire, ses vêtements sont couverts de sang !
Elle part en courant dans la maison, je referme la porte, choqué par ce que je viens de vivre, avec mille questions dans ma tête. Je n’ai pas le temps de réfléchir plus, la sonnette sonne de nouveau, j’ouvre et la police me demande où est ma fille !
Qu’est ce que je fais ?

Dans l’hypothèse où je ne suis pas au clair avec mon système éthique, les valeurs suivantes peuvent entrer en conflit avec plus ou moins de violence : famille – forces de l’ordre – justice, et donc je risque d’être déstabilisé et de me sentir très mal.
Si j’ai fait le travail préalable de réfléchir sur ma hiérarchie des valeurs, je pourrais sans sourciller dire que ma fille est cachée dans la maison, ou qu’elle n’est pas ici.

Mais pourquoi parler de tout cela ? Et bien lors de situations dangereuses, urgentes, nous pouvons facilement avoir des réactions instinctives qui pourraient être violentes, où le cerveau reptilien reprendrait le dessus. Mais avec un bon entrainement et une vision claire d’où se trouve la ligne rouge à ne pas dépasser, les paroles ou réactions violentes pourraient être évitées !

Personnellement j’estime que chaque être humain est un vrai cadeau et un trésor en soi. Martin Luther King allait jusqu’à dire que chaque personne sur cette terre, est un enfant de Dieu.
Dans ma hiérarchie des valeurs, la personne humaine a un rang très élevé, plus élevé que la  justice. 

Donc, si je suis confronté à une situation où les forces de l’ordre usent sans raison de moyens disproportionnés contre des manifestants, où l’injustice est flagrante, je ne riposterais pas, même si une partie de moi pourrait avoir ce désir.
Car derrière l’uniforme de policer se cache un être humain qui a de la valeur à mes yeux !

Le coeur
Il va être en contact avec l’extérieur et va ressentir les atmosphères, les climats, les personnes, les situations. Ces ressentis vont impacter le coeur.

Je dois au quotidien protéger mon coeur et le nourrir de « bonnes choses ».
Si je ne le protège pas je peux laisser des pensées qui, telles des graines, vont semer face aux situations d’injustice des racines dans mon coeur, qui, si je n’y prends pas garde vont avec le temps prendre de la place et grandir en arbres d’intolérance, de haine, d’amertume, d’humour sarcastique, de désespoir, de violence.

Précision importante à ce niveau.
Beaucoup de différentes émotions peuvent être ressenties et l’une d’entre elles, la colère est souvent perçue comme négative. Cela peut être le cas sauf si elle est liée à une situation d’injustice. Dans ce cas, elle est normale à vivre. En somme, il est important de « la surveiller » et de voir quelle tournure elle prend, positive ou négative.

Autre aspect, le coeur est un peu comme un réservoir que nous remplissons.
Nous devons le nourrir de relations et de choses positives et si je ne le fais pas, ce sont des choses sombres qui vont venir s’y installer.
Personnellement, lorsque je lis Martin Luther King ou d’autres héros de la justice, cela me nourrit, m’encourage, me transporte, me transcende de manière à avancer et à protéger mes pensées et donc mon coeur.
Les pensées sont la porte d’entrée du coeur, il est donc important de les scanner et de faire le point. Idem pour son coeur, ressentir régulièrement les sentiments et émotions qui le traversent afin d’éventuellement faire le ménage si besoin est.

Il y a une croyance importante à connaitre dans les mouvements non-violents : « la fin ne justifie pas les moyens ».
Il est faux de croire que nous arriverons plus vite à de meilleurs résultats en utilisant la violence.  Les études scientifiques menées par Erica Chenoweth, politologue américaine, montrent que les actions non violentes ont de meilleurs chances de réussir que les actions violentes.

 

Sur ce graphique, nous pouvons observer le nombre de mouvements violents et non violents sur les dernières 70 ans. Les mouvements non-violents progressent fortement.

Plus d’information sur le site : http://www.raisingstars.org/?page_id=1799

Et même dans l’hypothèse qu’une action violente réussisse, elle crée un précédent et pose les bases future qui conduisent à la possibilité, dans l’inconscient collectif de la population, de faire le même genre d’actions violentes pour arriver à ses fins. 

Pour qu’une action non violente puisse avoir des chances de réussir, il faut être consistant, organisé et stratégique ; une action isolée n’est pas suffisante, il faut plutôt voir cela comme un marathon.

« Martin Luther King nous a laissé ces mots qui nous encouragent tous sur le chemin de la non violence :
« Nous devons travailler avec passion et sans relâche pour atteindre l’objectif de la liberté, mais nous devons être sûrs que nos mains sont propres dans la lutte. Nous ne devons jamais lutter avec le mensonge, la haine ou la malice. Nous ne devons jamais devenir amers. Je sais ce que nous ressentons parfois. Il y a ce danger pour ceux d’entre nous qui ont été forcés si longtemps à rester dans la tragédie des ténèbres de la répression – ceux qui ont été piétinés, ceux qui ont été battus – risquent de devenir amers. . Mais si nous devenons amers et nous livrons à des campagnes de haine, le nouvel ordre qui se dessine ne sera qu’un duplicata de l’ancien.
Nous devons rencontrer la haine avec amour. Nous devons affronter la force physique avec la force de l’âme. »

Il existe une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir, sous peine de donner l’occasion rêvé, le prétexte en or, pour justifier une répression sans pitié aux aux opposants des mouvements non violents.
Ne pas franchir la ligne rouge amènera forcément un débordement, des erreurs du système en place, qui augmenteront le capital confiance d’une plus grande part de la population.
Et toujours selon les études faites par Erica Chenoweth, il suffit d’avoir 3,5% de la population pour qu’un mouvement non violent puisse faire la différence politiquement.
Pousser à la faute est une stratégie que chacun essaye d’utiliser : le premier qui franchit la ligne a de bonnes chances de perdre la bataille de l’opinion.
La non-violence est non pas une option mais bien une obligation.

La ville de Montgomery, aux Etats-Unis, a été une étape importante pour la justice sociale. Cette ville était tristement réputée pour ses exactions contre les minorités noires.
Rosa Parks est devenue célèbre lorsque, le 1er décembre 1955, elle a refusé d’obéir au conducteur de bus qui lui demandait de laisser sa place à un passager blanc et d’aller s’asseoir au fond du bus.
Le mouvement civique de Martin Luther King, l’a soutenu en faisant le boycott des bus pendant presque une année !
Les débordements policiers ont été le point de bascule du mouvement. Les forces de l’ordre avaient lâché leurs chiens sur des enfants et utilisé des lances à incendie sur les manifestants. Elles étaient si puissantes que les vêtements se déchiraient.
Des milliers d’adolescents ont fini en prison, juste parce qu’ils manifestaient. Les prisons ont été vite pleines. En définitive, les actes perpétrés étaient tellement odieux que le public en a été vivement touchés. Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour suprême des États-Unis a statué et proclamé que la ségrégation dans les bus était anticonstitutionnelle.

Retenons que le point de bascule a été ce moment particulier où où la police a franchi la ligne rouge en perpétrant des actes odieux envers des personnes sans défense.

C’est clair qu’il y a un prix à payer. Parfois le prix est élevé – peine de prison – voir encore plus élevé – blessure ou mort -. Dans ces conditions, le choix personnel des valeurs relève d’une importance capitale pour ne pas avoir de regrets après coup.
Je pense que ce prix à payer n’est pas vain et que le sacrifice nécessaire pour renverser  l’injustice fiscale, sociale et environnementale, donnera un jour une récompense majeure, sous une forme ou une autre .
Alors gardons courage et espoir, car nous menons le bon combat et nous sommes du bon côté !
Amour et paix à vous.

 

Si cet article vous fait réfléchir ou vous encourage à passer à l’action, n’hésitez pas à me soutenir sur mon compte tipeee.

About the Author -